CI-Bail sécurisé, location-vente : Célestin Koalla (Dg) rassure logeurs et logés!
✓ « L'État a des actions salvatrices pour la population »
Invité du Talk de Life TV, le 27 janvier 2021, Célestin Koalla, directeur général du Logement et du cadre de vie, au Mclu, ministère ivoirien de la Construction, du logement et de l’urbanisme, a passé en revue le contrat de bail sécurisé, et rassuré les Ivoiriens sur le come-back de la location-vente.
Que dit exactement le contrat de bail sécurisé ?
Je voudrais d’avoir vous remercier de l’opportunité que vous nous donnez, au nom du ministre Koné Bruno et au ministère de la Construction, du logement et de l’urbanisme, d’informer, de façon plus ample, les Ivoiriens sur la loi sur le bail à usage d’habitation et rappeler que la loi 77-995 de décembre 1977 est la première loi qui a été votée sur le bail à usage d’habitation. En plus de cela, très rapidement, l’institution nationale de la statistique en 2015 a montré que 80% des Ivoiriens sont locataires, il n’y a que 20% de propriétaires. Ajouter à cela, notre attention a été attirée sur le fait que des cautions, des dépôts de garantie trop élevés étaient exigés par les bailleurs, c’est comme ça qu’en 2019, par la loi 2019-776 du 18 décembre 2019 portant sur le code de la construction et de l’habitat, nous avons décidé d’aider les Ivoiriens. C’est une loi qui comporte une soixantaine d’articles, mais dans cette soixantaine d’articles, il y a certains qui sont plus importants, qui font ressortir l’intérêt des ménages plus pauvres, l’intérêt pour le grand nombre. Par exemple, l’article 421 qui stipule que le contrat doit être écrit et enregistré, parce que s’il est simplement verbal, naturellement la latitude sera laissée au bailleur de revenir sur ce qu’il a dit. Les articles clous de cette loi, ce sont les articles 415 et 416 qui rappellent que le dépôt de garantie ne doit pas excéder deux mois et que l’avance ne doit pas excéder deux mois. Lorsque la première loi a été votée en 2018 par notre Assemblée nationale, l’amende était de 200.000 Fcfa, puis notre attention a été attirée sur le fait que 200.000 Fcfa d’amende n’était pas suffisants, pour décourager ceux qui éventuellement seraient tentés de frauder cette loi. C’est comme ça que par l’annexe fiscale 2019-80 de 2019 portant sur le budget de 2020, nous avons décidé de porter cette amende à trois fois le trop-perçu. Toujours dans cette optique de décourager les éventuels fraudeurs qui seraient tentés de continuer de prendre aux Ivoiriens qui ont des revenus faibles, des ménages faibles, plus de deux mois de garantie et plus de deux mois de caution…
Qu’est-ce qui justifie qu’en Côte d’Ivoire, on ait 80% d’Ivoiriens locataires et seulement 20% propriétaires ?
Acquérir un logement, c’est un exercice un peu difficile, ce n’est pas tant le souhait des Ivoiriens, ce n’est pas parce qu’ils ne veulent pas être propriétaires, c’est un exercice difficile et pénible. C’est pour cela que lorsqu’on aborde ce sujet, on a le sentiment que les bailleurs sont lésés. Je suis heureux que vous reveniez sur le fait que 80 % des Ivoiriens sont des locataires, c’est l’une des raisons pour lesquelles cette loi a été adoptée par l’Assemblée nationale. C’est dû au niveau de revenus, à la complexité de tout le système immobilier. Parce que, pendant longtemps, avant 2010, avant que nous ne lancions le programme présidentiel de construction des logements sociaux, la seule alternative qui s’offrait à vous pour avoir un logement, c’était un crédit bancaire. Et là encore, il n’y a que 20% des Ivoiriens qui ont un compte bancaire. Si vous n’êtes pas bancarisé et que vous n’avez pas une opportunité dans la location-vente, vous sortez de façon systématique du système, vous ne pouvez pas acquérir un logement. Avant 2010, les coûts des maisons, c’étaient 35 millions Fcfa, c’étaient 45 millions, c’était loin de la portée des Ivoiriens à revenu modeste, de ceux qui sont nombreux dans les quartiers précaires, de ceux qui ont des revenus irréguliers, pour lesquels nous devons faire chaque jour, plus d’efforts. C’est pour cela qu’il y autant d’Ivoiriens locataires.
Pourquoi ne pas promouvoir la location-vente qui a permis, en son temps, à de nombreuses familles d’acquérir des maisons ?
C’est exactement ce qu’on va faire. Parce que qu’est-ce qui se passe, jusque dans les années 1985 ? La Sicogi (Société ivoirienne de construction et de gestion immobilière, ndlr), société d’État, était une société qui mettait à la disposition des ménages faibles, des logements, dans un schéma de location-vente. Après, des sociétés privées ont pris le relais. Il est bon de retenir que pour arriver au système de location-vente, il y a la subvention indirecte de l’État. C’est à cause des bailleurs internationaux, c’est à cause du Fonds monétaire international entre autres, que nous avons été obligés de nous retirer de la subvention indirecte du logement. Depuis 2011, le programme a été relancé et nous avons commencé par l’accès direct à la propriété. Mais pour être concret, le premier programme qui porte sur la relance de la location-vente, va démarrer dans quelques mois avec des souscripteurs du ministère de l’Éducation nationale, ce sera du côté de Bingerville sur environ 128 hectares. Il tient à cœur au ministre de la Construction de relancer la location-vente, parce que nous avons compris que c’est par la location que la vraie cible, c’est-à-dire, nos concitoyens, les Ivoiriens qui sont dans les quartiers précaires, à travers le paiement d’un loyer, peut devenir propriétaire. Parce qu’on le dit tout le temps, on peut ne pas acquérir un logement de façon directe avec un crédit bancaire, mais une chose est sûre, tout le monde paie un loyer.
Quel est l’objectif quantitatif que vous vous fixez ?
La chose, c’est plutôt de dire, nous avons en stock un besoin de près de 500.000 logements. C’est ça l’objectif. C’est pour cela que, quand on a commencé en 2011, l’objectif numéro un était de faire 60.000 logements d’abord. En 2015, nous sommes passés à 150.000 logements, sur toute l’étendue du territoire. C’est vrai qu’à Abidjan, on a trois grands sites, Songon, Grand-Bassam et Bingerville. Nous avons au total, aujourd’hui de 15.000 logements. Et sur ces 15.000 logements, si vous allez sur les sites, vous trouverez des familles de niveau modeste qui ont commencé à habiter ces maisons. Ce sont-là les objectifs en termes de statistiques. J’entends des gens dire, vous avez parlé de 60.000 logements vous n’êtes qu’à 15.000 logements, il ne faut pas faire ce genre de calcul mathématique, partez plutôt du principe que non seulement c’est un projet, mais mieux que cela, c’est un projet en cours, c’est un projet dans lequel l’État a déjà investi près de 350 milliards Fcfa pour les exonérations fiscales, des maisons sont livrées au fur et à mesure. C’est cela aussi les programmes immobiliers. Ce sont des tranches, donc des maisons sont livrées au fur et à mesure.
L’article 4 du contrat de bail dit que « la caution est facultative et ne doit pas excéder deux mois de loyer ». N’est-il pas ambigu de marquer que la caution est facultative ?
Ce n’est pas ambigu, j’aimerais qu’on retienne l’effort que le gouvernement va faire de ce point de vue-là pour dire que c’est deux mois de caution maximum, deux mois de dépôt de garantie. On ne va pas s’attarder sur le côté facultatif de payer la caution. L’essentiel, c’est de retenir que dans le code, c’est deux mois. Il est bon de dire que lorsque vous habitez un local, il y a un article de loi qui dit que vous devez l’habiter en bon père de famille, et lorsque vous devez partir, à la résiliation du contrat, vous devez remettre au bailleur la maison dans son état tel que vous l’avez trouvée. Naturellement, il faut un fonds qui va faciliter les réparations, les dégradations, éventuelles que vous aurez faites dans la maison.
Qu’est-ce qui a compliqué les choses ?
La majorité des bailleurs est partie du fait que le niveau de dégradation de leurs locaux, de leurs immeubles au moment où les locataires s’en vont, est tel qu’il leur faut mettre de côté suffisamment d’argent pour être sûr de pouvoir réparer. L’inconvénient, c’est que non seulement ce n’est pas normal, mais vous ne pouvez pas deviner d’avance le niveau de dégradation dans lequel sera votre local, votre immeuble au moment où le locataire sera en train de partir. Cet argument ne pourra tenir. L’autre argument, c’est que le coût des matériaux est élevé, le coût du crédit à la banque est extrêmement élevé, naturellement il me faut un dépôt de garantie qui est élevé. Mais il n’y a pas de corrélation entre les deux. Aucune caution ne peut vous permettre de garantir un remboursement à un banquier, ce n’est pas possible, il n’y a pas de lien entre les deux. Il n’y a pas de lien entre la caution et les matériaux de construction. Le lien se fait avec le coût du loyer, en fonction du niveau de finition.
Parfois le remboursement de la caution pose problème, même lorsque le locataire a vécu dans le local en bon père de famille. Que prévoit la loi et quel est le délai ?
C’est un mois. S’il respecte la loi, il peut ester en justice pour exiger du bailleur le paiement dans ce délai du dépôt de garantie que vous avez laissé. L’opportunité, à travers cette loi, a été donnée au bailleur de faire des états de lieux contradictoires. C’est une loi qui est en faveur des plus pauvres, parce qu’elle va aider, par exemple, à récupérer son dépôt de garantie.
Des bailleurs ont-ils été sanctionnés pour n’avoir pas respecté cette loi qui demande le remboursement du dépôt de garantie ?
Il n’y a pas que la loi sur le contrat de bail. La loi, c’est d’abord, chacun d’entre nous, en tant que citoyen, de prendre la décision de la respecter. Lorsqu’on dit par exemple qu’il est interdit de téléphoner au volant, c’est d’abord personnel. Aucun gouvernement au monde n’aura suffisamment de policiers pour contrôler chaque véhicule aux feux tricolores, mais il faut que ça soit conscient en se disant qu’en téléphonant au volant, je mets ma famille en danger, ceux qui sont devant moi ou derrière moi en danger, c’est la première chose. Accepter d’abord de respecter la loi. La seconde chose, ce sont les associations des consommateurs. Lorsque le gouvernement va faire l’effort de voter une loi comme celle-là et qu’on accepte que c’est une loi en faveur de la majorité, qu’est-ce qu’on doit faire ? On va faire des campagnes de sensibilisation, on va faire des relais. C’est ce que nous demandons aux associations de consommateurs, prenez le relais ! Allez-y dans les quartiers populaires et passez le message ! Vous prenez par exemple Angré-Extension, c’est un quartier où vous avez très peu d’équipements de base, d’aires de jeu, etc. Parce que c’est marqué Angré, le prix des loyers flambe. Mais allez-y, en tant qu’associations de consommateurs, faites des campagnes, faites des séminaires, faites des ateliers et aidez les Ivoiriens à prendre possession de la loi.
Pourquoi ignorez-vous le phénomène des démarcheurs et d’agences fictives dans l’immobilier, qui prennent un mois de loyer, lorsque vous cherchez une maison à louer ?
Il y a un besoin de l’appui de l’État, chez nos concitoyens. Qu’est-ce qui s’est passé, pendant de nombreuses années ? Des bailleurs vont abuser en prenant 10, 11, 12 mois de caution. L’État, à partir d’un moment, en 2019, se saisit de la question, parce que notre attention a été attirée dessus, pour faire voter une loi. De mon point de vue, c’est déjà un début, puisque maintenant, c’est encadré et il y a une sanction, l’amende est fiscale. Il y a une loi qui est votée en juin 2019. Quelques mois plus tard, notre attention a été attirée que c’est juste une amende de 200.000 Fcfa et par conséquent, ça ne va pas décourager les fraudeurs. Qu’est-ce qu’on fait, en décembre 2019 ? On prend une annexe fiscale liée au budget 2020 et on va imposer trois fois plus que ce que vous avez pris. Ce n’est pas tous les bailleurs qui ne respectent pas la loi. Il y a un changement, c’est tout doucement que ça ira. C’est pour cela que j’ai interpellé les associations des consommateurs pour un relais. L’État ne peut pas faire le policier partout, c’est carrément impossible. C’est pour cela qu’on insiste sur la sensibilisation. L’article 414 est clair, le contrat doit être écrit et enregistré. A partir du moment où il est écrit et enregistré, vous sortez de ce schéma. La dernière fois, le ministre Koné Bruno a présenté le modèle du contrat qui est sécurisé, c’est pour cela qu’il faut encourager les Ivoiriens à aller vers ce contrat, il est gage de sécurité. Si vous sortez de ce contrat et que vous allez accepter dix mois, 12 mois, de façon consciente ou inconsciente, vous vous rendez complice du non-respect de la loi. L’argument qui va consister à dire que l’offre est bien inférieure à la demande, fait qu’on est obligé, je dis c’est ça aussi la citoyenneté, c’est participer, c’est aider à faire respecter la loi. Concernant les démarcheurs, dans la plupart des métiers, vous avez comme ça des gens qui sont en parallèle, qui sont juste à côté. Je suis membre de l’Ordre des urbanistes de Côte d’Ivoire, on sait ce que c’est. Vous les avez chez les architectes, les dessinateurs, chez les topographes, etc., ils font beaucoup de dégâts. Chez les avocats, vous avez beaucoup de gens comme ça qui créent des métiers parallèles. Mais ça porte toujours sur l’information, il faut leur dire, si vous voulez acheter une maison, si vous voulez acheter un terrain, allez-y dans une agence immobilière agréée. Il y a beaucoup d’agences qui sont agréées et qui sont compétentes. Quand vous voulez acheter une maison, il y a des structures officielles chargées de ça. C’est une commission qui est tout à fait légale, c’est une activité, c’est un service qui est rendu, ça vaut paiement (…) Il nous appartient à tous de rappeler chaque fois qu’il y a des spécialistes, des experts, des chambres, des gens dont c’est le métier. Il faut aller vers ces gens-là, c’est important. Nous avons pour ambition de former des Ivoiriens…
Est-ce une obligation de payer un mois à une agence après les deux mois d’avance et de caution ?
Vous n’êtes pas obligé d’aller voir une agence. Ce n’est pas une obligation, c’est simplement parce que si vous tenez compte du calendrier de chacun, le temps du travail, de nombreux Ivoiriens vont se confier à ceux-là. Nous, notre devoir avec les chambres, c’est d’organiser ces jeunes-là, parce que ce sont de jeunes Ivoiriens qui ont un emploi aussi précaire soit-il, c’est de les organiser, c’est de travailler avec eux. Ils peuvent être des assistants d’agences immobilières, on les appellera comme on le voudra, mais il faut les organiser.
Le coût du contrat de bail sécurisé ? Où peut-on l'avoir?
Le contrat n’est pas cher, c’est 5000 Fcfa, c’est la paire qui fait 10.000 Fcfa. 5000 pour le preneur et 5000 pour le bailleur. La deuxième chose, je vous ai parlé des avantages liés à ce contrat de bail. Le bailleur par exemple ne peut pas augmenter le loyer avant trois ans, c’est écrit dans le contrat. Il est obligé de fixer le prix du loyer en tenant compte d’un certain nombre de critères, si le preneur décède, il y a un certain nombre de critères avant de reprendre le local, il ne peut pas venir en pleine journée, vous dire, je veux ma maison dans 48 ou 72 heures. Au-delà de l’argent, imaginez quelqu’un qui est livré à lui-même et à qui on dit, vous avez 72 heures pour quitter ma maison, le contrat sécurisé lui permet d’éviter tout cela. Il ne faut pas dire aux Ivoiriens que c’est cher.
Une personne qui peut payer plus de deux mois de caution, tombe-t-elle sous le coup de la loi ?
Oui, il ne faut pas encourager cela. Il faut penser aux plus pauvres. Parce que vous avez les moyens, vous continuez de payer 10, 12 mois d’avance, vous allez pénaliser des milliers d’Ivoiriens qui eux, n’ont pas ces moyens.
On parle beaucoup des locataires, mais il y a des bailleurs qui investissent beaucoup d’argent dans l’immobilier, mais qui ne perçoivent pas le loyer. Et ils trouvent que les locataires sont surprotégés, car expulser un locataire qui n’a pas payé de loyer, prend deux ou trois mois.
La loi n’est pas exclusivement à l’avantage des preneurs, la loi contient un certain nombre d’éléments qui sont à l’avantage des bailleurs, comme par exemple, le fait que vous avez le temps aujourd’hui, d’expulser un locataire, lorsque vous êtes dans vos bons droits, lorsque les loyers ne sont pas payés à bonne date. A partir d’un certain moment, vous avez toutes ces visites contradictoires que vous pouvez faire avec votre preneur, pour éviter trop de surprises désagréables, à la fin du contrat. Il y a quand même un certain nombre d’articles qui permet de protéger le bailleur, mais il est bon de comprendre qu’ensemble, notre préoccupation, ce sont les plus faibles, les moins nantis, c’est ça le principe. Au-delà de ce principe, on ne va pas pénaliser les autres. L’autre chose qui est essentielle, lorsque vous décidez d’investir dans l’immobilier, il est bon d’accepter dès le départ que c’est un investissement à long terme.
Retranscription : Déborah Mady