Côte d’Ivoire (Justice) / « Je suis à Kouto, pourquoi me condamne-t-on par contumace ?» (Babily Dembélé, Pdt de l’APR)
« Je ne peux pas me taire sur cette injustice »
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Homme d'affaires et acteur politique ivoirien, il vit depuis le 20 janvier 2022, à Kouto (région de la Bagoué, Nord de la Côte d'Ivoire). Architecte-anthropologue, le président de l’Apr (Alliance pour la République), Babily Dembélé, fait partie des opposants ivoiriens condamnés mercredi 12 février 2025 par la Justice ivoirienne, à sa grande surprise. Car, il l’a été par contumace, alors qu’il était chez à lui à Kouto, sa terre natale.
Babily Dembélé, la Justice a rendu mercredi dernier une décision de Justice vous concernant : 5 ans de prison, 5 ans d'interdiction de paraître à Abidjan. Comment réagissez-vous à ce verdict ?
Je suis surpris. Je rappelle que j'ai été enlevé à mon bureau le 26 octobre 2020 ? par des hommes encagoulés. Je me suis retrouvé à la Dst (Direction de la surveillance du territoire, ndlr). J'ai appris ensuite que c'était pour atteinte à la sûreté de l'Etat. Un chef d'accusation qui ne me ressemble pas. Et j'ai été entendu par un juge d'instruction et déféré à la Maca (Maison d’arrêt de correction d’Abidjan, actuel Ppa, Pôle pénitentiaire d’Abidjan) où j'ai passé 11 mois. Il y a eu des tractations et des autorités ont été mises devant l'injustice dont j'étais victime. L'affaire est arrivée dans les oreilles de l'ex-Premier ministre, Patrick Achi, et du Président Alassane Ouattara. Dans la nuit du 15 au 16 septembre 2021, à 2h du matin, j'ai été informé de ma libération, et je suis sorti de la Maca, la même nuit.
Dans un pays de droit, est-ce qu'on peut dire que l'Exécutif est intervenu pour la libération d'un prévenu?
Attention, nous ne devons pas oublier que le chef de l'Exécutif est le chef suprême de la Magistrature et donc s'il constate lui-même une injustice contre un citoyen, il peut demander que cela soit réparé. Donc j'ai été libéré et je suis rentré à la maison. Après, il m'a été signifié que je suis sous contrôle judiciaire. 4 mois après, soit le 20 janvier 2022, je suis venu m'installer dans mon village. Et depuis, tout le monde sait que je vis ici à Kouto. Je fais souvent des interventions publiées dans des médias qui prennent le soin de rappeler chaque fois que je vis ici. Et mercredi 12 février 2025, j'apprends que je suis condamné par contumace.
Ne saviez-vous pas que vous étiez en procès?
Pas du tout. J'ai été surpris par cette condamnation. Je n'ai pas été convoqué. Mes avocats n'ont été au courant de rien. Ils résident à Abidjan. Il suffisait même qu'on me donne un coup de fil et je serais à Abidjan pour me présenter devant le juge. Et on me juge par contumace. C'est ce qui me choque. Est-ce que la Justice agit ainsi? Quelqu'un n'est pas hors du pays, on ne lui envoie pas de convocation pour un procès et alors qu'il attend comme tous les Ivoiriens le verdict du procès des cadres du Ppa-ci (Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire, ndlr), il apprend que lui aussi est condamné. Le citoyen a droit à la considération et a le droit d'exprimer son indignation face à ce genre d'attitude. Je ne le dis pas pour moi seul, mais pour tous les citoyens de ce pays.
Qu’en est-il du fond de l'affaire ‘’Atteinte à la sûreté de l'Etat"?
La Justice doit se prononcer par rapport à des preuves. Quand j'ai été arrêté, il m'a été dit que je détenais des armes, mais aucune arme n'a été trouvée chez moi, ni le jour de mon arrestation, ni après. En prison, j'ai appris que j'ai été arrêté sur dénonciation calomnieuse par quelqu'un qui a avoué après que ce n'était pas vrai. Donc l'affaire ne reposait sur aucun élément probant. C'était une fausse accusation.
Qu'allez-vous faire maintenant?
Je vais discuter avec mes avocats. Ils savent ce qu'on fera. Pour l'instant, je dénonce cette condamnation par contumace comme si j'avais fui la Justice de mon pays. Je veux vivre tranquillement, mais on veut forcément me créer l'enfer. En voulant coûte que coûte créer l'enfer à quelqu'un, on lui ouvre la voie du paradis.
Il y a certes l'article 185 nouveau qui restreint les droits des citoyens, mais cette affaire me concerne et je ne peux pas me taire sur cette injustice qui m'est faite. Alors j'interpelle notre Justice et le chef suprême de la Magistrature, le Président Alassane Ouattara.
Source : Opera News