Côte d’Ivoire (Vie chère) : « Le consommateur doit dénoncer la violation de ses droits » (Yves Aka, pdt de la Fac-ci)
« Les mesures courageuses du gouvernement doivent s’appliquer »
Yves Aka, président de la Fac-ci, Fédération nationale des associations de consommateurs de Côte d’Ivoire, salue les mesures du gouvernement ivoirien contre la vie chère et exhorte les populations à dénoncer les situations de violation de leurs droits.
Quelle réaction vous inspire le communiqué du gouvernement annonçant des mesures contre la cherté de la vie ?
Nous sommes vraiment et pleinement heureux et satisfait. Dans la forme, notre pleine satisfaction découle de l'attitude du gouvernement et nos remerciements vont avant tout au président de la République, son Excellence Alassane Ouattara, qui a instruit le Premier ministre (Patrick Achi, ndlr) dès son retour de voyage, pour rencontrer tous les acteurs contre la vie chère notamment les Organisations de consommateurs et producteurs et distributeurs de produits vivriers, en vue de prendre en compte leurs propositions.
Ensuite, nous remercions le Premier ministre qui a répondu en moins de 24h à notre audience (6 Organisations de consommateurs) pour lui faire part de nos propositions jeudi 24 février 2022. Enfin, nous saluons le ministre du Commerce et de l’industrie, Souleymane Diarrassouba, qui est toujours au front avec ses collaborateurs pour juguler la problématique de la vie chère dans notre pays, malgré la complexité du sujet qui a des causes à la fois endogènes et exogènes sans oublier les autres ministères techniques qui font aussi des efforts pour trouver une solution solidaire.
Notre gouvernement a ainsi montré une bonne attitude de gouvernance participative respectant le grand principe de bonne gouvernance. Nous l’encourageons donc à pérenniser ce processus pour atteindre des solutions inclusives. Et nous sommes heureux que cela soit affirmé au point 4 des mesures à savoir « instauration du principe de l'information préalable et de concertation, avant toute augmentation de prix... ».
Dans le fond, le gouvernement a fait des progrès dans ses propositions et prises de solutions sur la question de la vie chère. C'est notamment le courage cette fois-ci exprimé d'aller à la réglementation des prix des produits et services de grande consommation par l'élargissement de la liste, selon le point 3, au point 5, à la soumission à autorisation préalable des exportations de produits vivriers de grande consommation et l'instauration du principe de l'information préalable et de concertation, avant toute augmentation de prix des denrées de grande consommation...affirmé au point 4 des mesures.
Pour nous, ce sont ici des mesures courageuses et innovantes pour juguler la vie chère, car il faut le dire, cela fait partie des exceptions au principe de la liberté des prix prévu par la loi 91-999 du 27 décembre 1991 relative à la concurrence, modifiée par l'ordonnance 2013- 662 du 21 septembre 2013 relative à la concurrence.
L'Etat n'a donc pas agi irrégulièrement en prenant des mesures d'interférences dans la question de fixation de prix. Les 2 exceptions au principe de la liberté des prix sont bel et bien la réglementation ou homologation de prix (non limitée dans le temps) et le blocage ou plafonnement de prix (limités à 3 mois).
Sont-ce des mesures suffisamment efficaces pour combattre le phénomène ?
La vie chère est une matière complexe dont les causes ne sont pas seulement liées à nos réalités locales. Il est donc prétentieux de vouloir trouver des solutions définitives. Ce ne sont pas pour nous des mesures définitives de lutte contre la vie chère. C'est un processus et ce sont des mesures palliatives du moment et du gouvernement pour les réalités du moment. Elles peuvent être efficaces aujourd'hui pour calmer la flambée des prix et les grognes populaires et être dépassées demain lorsqu’adviendraient des causes surtout exogènes comme la crise de la pandémie à covid-19.
Pour nous, quels que soient l'origine et le caractère mondial des causes de la vie chère, les solutions efficaces ne sauraient être forcément communautaires, car les potentialités des pays sont différentes d'un Etat à l'autre même quand l’on peut se servir de l'expérience d'un pays tiers renouvelable une fois, donc à 6 mois maximum.
Contentons-nous des solutions-ci et cherchons à les améliorer dans le cadre de la concertation permanente.
On sait que généralement, les mesures ou lois ne sont pas appliquées. Croyez-vous que cette fois, les choses pourront se passer convenablement ou que préconisez-vous pour que ça change ?
Cette fois-ci, un cadre de concertation est prévu pour poursuivre et maintenir la veille, nous croyons que c'est un gage de réussite de l'exécution des mesures prises. Nous comptons dans ce cadre maintenir à notre niveau, la pression pour que chaque acteur joue franchement son rôle.
Organisation de défense des droits des consommateurs, que proposez-vous pour étoffer les mesures prises par le gouvernement ou les trouvez-vous suffisantes pour combattre la cherté de la vie ?
La Fac-ci, en tant que force de propositions inscrites dans la logique de gestion participative et d'accompagnement de l'action gouvernementale pour la préservation de la paix sociale, voudrait faire les observations et suggestions suivantes :
1 - le gouvernement prévoit une subvention partielle des produits pétroliers sur 3 mois (janvier à mars 2022). Nous proposons la mise en place d'un fonds de subvention permanente des produits pétroliers allant au-delà des 3 mois ;
2 - le gouvernement prévoit le plafonnement sur une période de 3 mois, des prix de l'huile de palme raffinée, du sucre, du lait, du riz, de la tomate concentrée, de la viande de bœuf et des pâtes alimentaires. La Fac-ci espère que cette mesure de plafonnement de prix, qui est éphémère, car limitée à 6 mois maximum, sera remplacée incessamment par la mesure durable d'homologation de prix de ces produits déjà suggérés à l'occasion de la rencontre avec le Premier ministre pour être sur la liste des produits à réglementer.
Nous préconisons que le principe de l'information préalable et de concertation, avant toute augmentation de prix de denrées de grande consommation, ne soit pas limité à une période de 6 mois, mais que ce soit un principe applicable de façon permanente au sein du Conseil national de la lutte contre la vie chère, créé pour prenant en compte toutes les questions de lutte contre la vie chère en Côte d'Ivoire.
La Fac-ci voudrait aussi rappeler que le fonctionnement des organisations de consommateurs légalement constituées sur la base du bénévolat, ne saurait leur permettre d'avoir un accompagnement efficace de l'Etat, les organisations de consommateurs par leur objet social même avec une mission d'utilité publique, mérite la subvention de l'Etat avant d'être l'objet de critiques souvent démesurées et injustifiées. Avant toute évaluation et revendication de résultats auprès des organisations de consommateurs, il faut logiquement l'octroi de moyens. Les cotisations des membres faisant défaut, plusieurs personnes croient qu'une association de consommateurs est une structure publique du gouvernement, nous sommes laissés pour compte.
La Fac-ci a-t-elle été associée aux discussions ayant abouti à ces mesures ?
Oui, effectivement, la Fac-ci et d'autres organisations de consommateurs ont rencontré le Premier ministre, jeudi 24 février dernier, pour lui faire des propositions après la saisine de la Commission de la concurrence par courrier du 17 février 2022 pour proposer dans le cadre de la Coc-ci (Confédération des organisations de consommateurs de Côte d’Ivoire, ndlr) l'élargissement de la liste des produits, biens et services dont les prix devront être homologués ou réglementés par l’Etat. Sans oublier que régulièrement, nous avons des rencontres avec le ministère du Commerce et de l'industrie et ses services spécialisés (Dgci, Direction générale du commerce intérieur, Cnlvc, Comité national de lutte contre la vie chère...) pour échanger sur les questions de la vie chère comme celles de faux thon, de l'huile, du pain, etc.
Votre message aux consommateurs, commerçants…
Aux consommateurs, nous disons que l'Etat ne peut pas tout faire. Il nous revient d'aider le gouvernement dans l'exécution de certaines mesures par la dénonciation des situations de violation de nos droits et intérêts. C'est cela, l'affirmation du devoir d'être solidaire du consommateur.
Les contrôleurs et inspecteurs de prix ne pouvant être partout…, il nous faut être les gardiens des mesures qui nous protègent.
Soyons avertis en intégrant les organisations de consommateurs comme la Fac-ci…
Aux commerçants, nous demandons la loyauté dans les transactions commerciales pour maintenir viable l'Etat et préserver la paix sociale.
Les administrations publiques de surveillance des mesures, doivent opter pour l’application rigoureuse en transcendant toute velléité de corruption.
Ensemble, soyons solidaires sur la question de la vie chère pour atteindre nos objectifs en vue d’une croissance économique inclusive et une paix durable.
Merci !
Réalisation : Riche Ouattara