CI : « Les manifestations de l’économie linguistique en nouchi : l’exemple de la troncation » (Dr Dodo, sociolinguiste)
L’une des manifestations de l’économie du langage est la troncation. Dumas F.[1] (2008 :139) définit la troncation comme « la réduction d’une partie quelconque du signifiant d’un mot, sans que son signifié en souffre de façon trop importante ». Les différents phénomènes de la troncation sont : l’aphérèse, l’apocope et la syncope. En nouchi, l’aphérèse et l’apocope sont les procédés les plus visibles.
L’aphérèse
C’est la suppression d’une ou plusieurs syllabes au début d’un mot.
Confiance : Fiance
Fouintuss : Tuss
Foutaise : Taise
Gawa[2] : Waa
Gbonké : Ké[3]
Libanais : Banais
Maitriser : Triser
Pôtchô : Tchô
Visa : Za
Zéguen[4] : Guen [ɡɛn]
L’apocope
C’est l’élimination d’une ou plusieurs syllabes à la fin d’un mot.
Abogahisse[5] : Abo
Bédou : Bé (portefeuille, porte-monnaie)
Brigand(er) : Bri
Cabane : Caba[6]
Coagulé : Coa
Douahoudéni : Douahoudé (enfant chanceux, chanceux)
Fouintuss : Fouin
Gratuit : Gra
Policier : Po
Poser : Po
Traumatiser : Trauma
Zablanou[7] : Za
Zéguen : Zé
Le diminutif en « o »
Issu de l’argot du français central[8], ce phonème sert à raccourcir les mots dans le but d’économiser la parole. Ce mode d’économie du langage est beaucoup usité en nouchi.
Blanchisseur : Blanco
Clandestinement : Clando
Français : Franco
Ghanéen : Ghano
Grand-frère, Grande-sœur : Grando
Papier : Papo
Samedi : Samco
Simplement : Simplo
Sommeil : Somo
Ce phénomène de troncation montre, en substance, dynamisme du nouchi qui progressivement tend une langue en part entière.
Dr Jean-Claude Dodo, enseignant-chercheur,
Université Félix Houphouët-Boigny
[1] Felicia DUMAS, Op. cit.
[2] Gawa: mot qui a donné le mot gaou
[3] Gbonké ou ké ou encore gbonhon : 5 mille francs CFA
[4] Zéguen : sémoule de manioc accompagné de poisson (thon) frit. (Synonyme de garba)
[5] Abogahisse: joli garcon, bel homme
[6] Caba: prison
[7] Zablanou: fesses, postérieur
[8] Français central: français de la métropole parisienne