Côte d'Ivoire-Canada : « Rêve éveillé » (Joseph Titi, patron de presse)

Côte d'Ivoire-Canada :  « Rêve éveillé » (Joseph Titi, patron de presse)
Image d'illustration ( Ph: Dr)

Un article de radio Canada défraie la chronique depuis quelques jours sur les médias sociaux en relatant la condamnation d’un canadien pédophile qui s’est fait acheter une fillette de 8 ans à sa mère, une ivoirienne vivant à Grand-Bassam, du moins de l’aveu du pédophile qui aurait montré à sa jeune victime que sa mère était bel et bien d’accord qu’elle soit sa femme.

« Je suis ta femme ; je suis ta maîtresse », aurait alors écrit la jeune enfant pour se faire pardonner par le pédophile qui menaçait de la renvoyer en Afrique.

L’histoire est sordide, comme il en est de toutes les exploitations sexuelles. A plus forte raison sur mineure. Les commentaires que l’article a générés en bas de page s’en retrouvent ainsi outrés. A juste titre d’ailleurs.

Avoir des relations sexuelles même consenties avec une mineure est déjà grave et inconcevable en soi. Y ajouter la violence d’une exploitation à des fins pornographiques fait forcément mal au cœur. Et les réactions le montrent aisément.

Cela dit, un point m’a semblé pas tout à fait clair. En effet, l’article note que la fillette a été vendue par sa mère avant d’évoquer, des lignes plus tard, un projet de recomposition familiale au terme duquel la mère devait immigrer au Canada. Alors dans l’attente, celle-ci aurait laissé sa fille à ce canadien qui la dévouera à ses projets sexuels les plus abjects.

Mon intention n’est pas de prendre la défense de la mère, loin de là. En revanche, le rôle joué par elle ne me paraît pas assez clarifié tout au long de l’article pour que l’on puisse bien situer les responsabilités des uns et des autres.

A-t-elle vraiment vendu sa fille ? Est-il en effet possible qu’une mère vende sa fille au premier blanc qu’elle trouve ? La question, ma foi, mérite d’être posée. Parce qu’il me semble qu’on n’est pas non plus à l’abri d’une manipulation.

Au-delà se pose, dans les mêmes termes que d’habitude, la question du désespoir ambiant. L’Afrique avec toutes les potentialités dont elle dispose fait fuir ses fils qui ne rêvent que d’Europe et de Blanc. Telle est la traduction concrète de cette tragédie.

Parce que nous connaissons par cœur les conséquences de la pauvreté, sauf à admettre que c’est parce que nous sommes incapables de transformer les richesses dont nous disposons sur place que nous rêvons des miettes qui tombent des tables des systèmes impérialistes qui ne sont pas fait pour nous enrichir.

Bien sûr, la gouvernance africaine théorise ce piège de la pauvreté, pas besoin de se voiler la face. Mais, n’est-ce pas aussi vrai que dans nos têtes, nous attendons tous que le bonheur nous cible un jour parce qu’on a assez prié Dieu ?

Joseph Titi Gnahoua

Patron du journal ivoirien "aujourd'hui"