Côte d’Ivoire (Hôtellerie) / Après 40 ans d’inactivité, l’ex-complexe SIÉTHO cédé à un privé

3 milliards de FCFA pour la rénover

Côte d’Ivoire (Hôtellerie) / Après 40 ans d’inactivité, l’ex-complexe SIÉTHO cédé à un privé
Quelques images de l'ex-complexe hôtelier Siétho dont la reprise des activités a été confiée à un privé. (ph : dr)
Côte d’Ivoire (Hôtellerie) / Après 40 ans d’inactivité, l’ex-complexe SIÉTHO cédé à un privé

Après de longues années d’hésitation, le gouvernement de Côte d’Ivoire, à travers l’appui technique de son ministère du Patrimoine, du portefeuille de l’État et des entreprises publiques, en liaison avec le ministère des Finances et du budget et celui du Tourisme et des loisirs, a donne son quitus, pour la réhabilitation de l’ex-hôtel Siétho de Dimbokro, fermé il y a 40 ans.

C’est plus qu’un ouf de soulagement pour la population de Dimbokro et du secteur du tourisme et de l’hôtellerie, après l’annonce du redémarrage, dans un futur très proche, des activités de l’ex-complexe hôtelier Siétho. Cette reprise des activités par du complexe hôtelier fait suite à une convention de concession conclue entre l’État de Côte d’Ivoire et le Groupe Famah La Renaissance SA.

Dans cette convention, il est retenu à la charge du concessionnaire, la réhabilitation des bâtiments existants du complexe, la construction de nouveaux bâtiments afin d’augmenter sa capacité d’accueil, l’exploitation, l’entretien, la maintenance et le renouvellement des biens composant le complexe pour un coût global de 03 milliards de FCfa.

L’annonce a été faite, au cours du conseil des ministres du mercredi 16 octobre 2024, présidé par le chef de l’État, Alassane Ouattara. Celle-ci coïncide, un mois après, avec un de nos écrits, appelant le ministère de tutelle, les structures décentralisées de l’État et cadres de la région, leur indiquant qu’en aucun cas, le complexe hôtel ne doit être abandonné, pour la simple raison qu’il retraçait, lui seul, l’histoire de la ville, voire de toute l’Afrique Noire.

En effet, le complexe fait partie des héritages laissés par le Président Félix Houphouët-Boigny. Il sert d’une manière ou d’une autre, de témoin des fêtes tournantes de l’indépendance, en Côte d’Ivoire.

L’HISTOIRE D’UN COMPLEXE DONT PERSONNE NE PARLAIT

Le Président Félix Houphouët-Boigny, dans sa vision de doter les villes de Côte d’Ivoire d’infrastructures modernes de développement, organisait la fête de l’indépendance, de façon tournante. Les villes qui ont abrité les festivités de ces moments de retrouvailles et de souvenirs des luttes héroïques, qui ont permis la libération des Ivoiriens de l’oppresseur blanc (sous la colonisation), n’ont pas été laissées pour compte.

Des routes, des réceptifs hôteliers, adduction d’eau potable, école, collèges, dispensaires… y sont réalisés. La ville de Dimbokro, en accueillant en 1975, les festivités de l’an 15 de l’accession de la Côte d’Ivoire à l’indépendance (politique 1960), a bénéficié de ces nombrables infrastructures. L’hôtel Siétho de Dimbokro, géré par la Société ivoirienne d'exploitation touristique et hôtelière, en fait partie.

Cet ancien réceptif, selon des témoignages, a même reçu des invités de marque du Président Félix Houphouët-Boigny, à l’occasion de la célébration de l’an 15 de l’accession à l’indépendance du pays (en 1975). L’établissement a fait ses beaux jours pendant longtemps, avant de sombrer en 1984.

Aujourd’hui, le complexe hôtelier n'existe que de nom. Cet ancien joyau architectural est entièrement abandonné dans des broussailles indescriptibles, au beau milieu de la ville, servant même de lieu de refuge pour toutes sortes de reptiles, aux morsures très mortelles. Pourtant, l’existant y est. Le bâtiment tient encore. La piscine est encore intacte. Le site couvre un grand espace encore exploitable pour d’autres activités connexes (Voir image). Une question de volonté politique ou un simple oubli ?

PLUSIEURS TENTATIVES POUR UNE REPRISE DES ACTIVITÉS

Des ébauches pour une reprise du complexe hôtelier avaient eu lieu. Sous la houlette de l’ex-ministre du Tourisme, Charles Aké Atchimon, en 2011, l’on évoquait déjà sa restructuration.

«Il s’agit de confier la gestion des établissements d’hébergement et de restauration à une structure privée pour un meilleur rendement de l’activité. A travers cette session, l’État entend renforcer la notoriété des établissements d’hébergement et de restauration grâce à la renommée de l’enseigne, améliorer le taux d’occupation de ces établissements, former et professionnaliser le personnel, assurer la maintenance de ces établissements et renforcer les capacités opérationnelles de ces établissements », assurait le ministre d’alors, prédécesseur de Siandou Fofana, l’actuel ministre du Tourisme et des loisirs. Parmi les complexes hôteliers à restructurer, faisait bel et bien partie l’hôtel Siétho. Mais, pour des raisons diverses, la reprise des activités du complexe hôtelier tant attendue, n’a pas pu avoir lieu à temps.

Emboitant le pas à son prédécesseur, le ministre Siandou Fofana a, lui aussi, fait la promesse de remettre l’établissement en état. En effet, invité en tant que parrain de la 8e édition du Festival du tourisme de Dimbokro (Festourdim) qui s’est tenue du 30 mai au 1er juin 2019, à Dimbokro, le ministre avait inscrit la réhabilitation de l’ex-complexe hôtelier dans ses priorités, dans le cadre de la mise en œuvre de la Stratégie «Sublime Côte d’Ivoire », au plan intérieur.

LE COMPLEXE RESTE L’OMBRE DE LUI-MÊME.

Bien que la rénovation du complexe ne dépendrait pas de la seule compétence directe du ministère du Tourisme et des loisirs, selon des sources proches de ce département ministériel, mais ce joyau architectural qui retrace l’histoire de toute une région et de toute la Nation ivoirienne ne saurait disparaitre pour un quelconque motif.

POURQUOI RÉHABILITER TOUS LES PATRIMOINES ET SITES HISTORIQUES DE dimbokro ?

Dimbokro, c’est la Côte d’Ivoire. C’est aussi l’histoire de la Côte d’Ivoire. A travers son cimetière des martyrs, elle retrace une époque vécue par les Ivoiriens. L’ex-hôtel de Siétho n’est en partie que l’un des patrimoines laissés après les fêtes tournantes de la célébration de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, initiée par son premier Président Félix Houphouët-Boigny. De fait, Dimbokro a marqué et marquera pour toujours les esprits, pour ceux qui se souviennent encore. Selon des récits ou études documentaires, cette ville a été le théâtre de massacre pendant la lutte émancipatrice pour la liberté du peuple de Côte d’Ivoire, voire toute l’Afrique noire.

Dimbokro, disons-le net, a été l’épicentre des atrocités pendant la période d’avant les indépendances où les peuples africains, d’ici et d’ailleurs, sans aucune distinction de races et d’ethnies, d’appartenance religieuse, de rang social, combattaient tous ensemble, pour une cause commune : le droit à la liberté, le droit aux Africains de disposer d’eux-mêmes, le droit à la vie tout court. La ville porte encore les séquelles d’une longue blessure, d’un passé très ensanglanté… Le cimetière des martyrs où reposent, depuis 1950, des combattants tombés au champ d’honneur qui ont choisi d’offrir leur poitrine pour la cause des Ivoiriens, est la parfaite illustration de la barbarie du colon.

D’autres villes ivoiriennes comme Bouaflé ou encore Séguéla, ont également subi les affres de la décolonisation où reposent également des martyrs. Malheureusement, ces martyrs tombés au champ d’honneur, sont aux oubliettes. Peu d’Ivoiriens s’en souviennent ou feignent de ne pas en savoir, pour des raisons idéologiques ? Alors qu’ailleurs, ces martyrs seraient célébrés comme des héros, pour avoir mené une bonne cause. Mieux, l’on inscrirait les sites qui abrient leurs restes dans le patrimoine historique du pays, afin qu’ils servent de témoignages aux générations à venir. Mieux, ils devraient servir de lieux de pèlerinage pour d’autres peuples qui voudraient toucher de près, ce passé triste de l’histoire de la Côte d’Ivoire ; voire de toute l’Afrique noire.

Ailleurs encore, on aurait même faire de ces sites, des lieux d’études pour les étudiants du monde entier. Mais quel souvenir garde-t-on de ces monuments historiques? Que de remords ! Comme si ces personnes qui ont fait de la Côte d’Ivoire ce qu’elle est aujourd’hui, se sont sacrifiées pour une cause qui n’existerait pas. Et partout, chacun de nous, jouit du fruit de leur combat. S’ils ont accepté de mener ce combat, c’est parce qu’ils avaient un devoir de mémoire devant l’humanité et les enfants de leur époque.

Leurs progénitures devraient en être fières, si une reconnaissance en mémoire de ces combattants de la lutte émancipatrice pour la libération des Ivoiriens, tombés au champ d’honneur, avait eu lieu. Leurs enfants, petits enfants et petits-fils ne demandent que ça. Juste une reconnaissance nationale, voire même internationale, comme ce fut le cas de Sowéto.

L’histoire d’un peuple, c’est d’abord son patrimoine, c’est-à-dire, ce que les anciens ont laissé comme souvenir. Car, toute œuvre humaine part du passé. Du passé, on conçoit et construit l’avenir, en se servant des erreurs du passé. Et en ressuscitant la renaissance de l’ex-complexe hôtelier Siétho, c’est aussi un devoir de mémoire. A savoir, rappeler les circonstances de la construction de ce complexe hôtelier, le séjour du Président Félix Houphouët-Boigny, premier président de Côte d’Ivoire, à Dimbokro, ville hôte de la célébration du 15e anniversaire de l’indépendance du pays.

Dossier réalisé par Honoré Kouassi