Côte d’Ivoire-Commercialisation : les conditions des 6 multinationales au Conseil café-cacao
Le Conseil café cacao (Ccc) qui, afin d’aider les producteurs ivoiriens, a laissé les petits exportateurs ivoiriens acheter massivement des fèves de cacao sans contrats de déblocage au moment du ralentissement des achats entre décembre et février cherche à présent à vendre environ 100,000 tonnes de cacao détenues par ces exportateurs locaux qui n’ont pas de contrepartie, ont affirmé des sources chez les multinationales, au Ccc et des exportateurs ivoiriens.
Habituellement, il est interdit à un exportateur d’acheter des fèves de cacao sans contrats d’exportation et sans contrepartie mais, volontairement, le Ccc n’a pas appliqué cette règle pour permettre aux planteurs de vendre les stocks dont ils disposaient entre décembre et février.
Aujourd’hui, pour vendre aux filiales des 6 multinationales en Côte d’Ivoire le reste de la récolte de cacao encore aux mains des planteurs, le Ccc a été contraint de baisser son différentiel d’origine à un niveau très bas et en dessous du marché, de -200 à -250 livres Sterling par tonne (hors Drd), soit 400 dollars US/ tonne (220 fcfa par kilo) plus bas que ce qu’elles payaient avant la mise en place du Différentiel de revenu décent (Drd), ce que plusieurs observateurs commentent comme un remboursement forcé du Drd sur le prix d’origine.
Cependant le Ccc fait maintenant face au refus de ces mêmes multinationales d’acheter au même prix ces 100 000 tonnes détenues par les exportateurs Ivoiriens et stockés dans les ports de San Pedro et d’Abidjan. En effet, le régulateur se heurte aux exigences des multinationales qui réclament un différentiel de -£350 a -£400 par tonne pour ces volumes aux mains des locaux, soit une décote supplémentaire de 150 à 200 Fcfa par kilo, par rapport au prix qu’elles paient pour le cacao chargé par leurs filiales ivoiriennes.
« Aucune multinationale ne souhaite reprendre ces stocks, si le différentiel n’est pas attractif. Disons entre -£350 et -£400 par tonne pour ces volumes » a déclaré le directeur d’une société internationale d’exportation qui justifie cela par le fait qu’ils ont déjà leurs propres contrats à exécuter.
Un exportateur en difficulté financière à San Pedro explique : « Nous avons acheté ce cacao pour pouvoir soulager nos producteurs au moment où les multinationales installées en Côte d’Ivoire, sous prétexte de baisse de la demande pour covid-19, refusaient d’acheter le cacao à moins que le Ccc baisse le prix du cacao de 210 Fcfa par kilo (400 Usd par tonne) pour en fait se rembourser du Drd ; alors que le Drd auquel elles ont adhéré a toujours été prévu comme un surcout du prix d’origine. Aujourd’hui que ces multinationales ont, par ce chantage, imposé au Ccc de baisser le prix de 210 Fcfa / kilo pour leurs filiales en Côte d’Ivoire, elles refusent d’acheter à l’export le cacao des transformateurs et exportateurs Ivoiriens au même prix que leurs filiales et demandent que le Ccc fasse baisser le prix de ce cacao de 150 à 200 Fcfa par kilo supplémentaire par rapport à celui de leurs filiales ! En quelque sorte, elles nous font payer notre coopération avec le Ccc dans la gestion de cette crise. »
Pour les transformateurs et exportateurs locaux, l’absence de contrepartie est due au fait que les multinationales sont les contreparties exclusives des chocolatiers au niveau des exportations, ce qui les exclut du marché.
Ils réclament que le gouvernement et le Ccc appliquent une règle qui veut que sur chaque contrat d’exportation des multinationales installées en Côte d’Ivoire, 20% soient alloués aux exportateurs locaux pour favoriser l’émergence et l’émancipation d’exportateurs locaux et permettre un accès direct aux chocolatiers et aux industriels.
« Pour mettre fin à cela, il faut appliquer la règle des 20% de la récolte alloués automatiquement et obligatoirement aux exportateurs ivoiriens. C’est à dire que chaque fois qu’une multinationale achète des contrats, 20% de ces contrats soient alloués aux locaux qui pourront exporter dans les mêmes conditions de prix » a expliqué Fabien Guei, porte-parole du Groupement des négociants ivoiriens (Gni) regroupant une quinzaine d’exportateurs de de transformateurs locaux.
« Oui, nous réfléchissons à trouver une solution pour aider les locaux à avoir une plus grande part aux exportations mais dans l’immédiat, nous travaillons à vendre ces 100,000 tonnes en concédant le moins de différentiel possible » a affirmé une source du Ccc.
Il est urgent pour le Ccc de trouver une solution rapide à cette situation qui expose les petits exportateurs locaux à une crise financière du fait qu’ils ont immobilisés des dizaines de millions de dollars depuis plus 8 semaines qu’ils ont emprunté et dont ils paient des frais financiers importants, en plus des pertes de poids naturelles, des couts d’entreposage et d’entretien des stocks.
Production : Reuters