CI-Justice : la Coalition des indignés tacle « le marasme judiciaire » !

CI-Justice : la Coalition des indignés tacle « le marasme judiciaire » !
Samba David, coordonnateur national de la Cici, entouré de ses collaborateurs, lors de sa rencontre avec les médias.

Samba David, coordonnateur national de la Cici, Coalition des indignés de Côte d’Ivoire, s'est dressé, ce mardi 8 décembre 2020, lors d’une conférence de presse, à Abidjan (capitale économique ivoirienne) contre le « marasme judiciaire ». Ci-après sa déclaration liminaire.

 

«Thème : L'indépendance de la justice en Côte d’Ivoire

Aujourd’hui plus qu’hier, la justice en Côte d’Ivoire fait l’objet de stigmatisations et de virulentes attaques. Celles-ci sont-elles justifiées et dans quelle mesure le sont-elles ?

Peut-on valablement faire de l’administration de la justice et de son fonctionnement un objet de critique adressé, tantôt à l’institution judiciaire, alors que ses dysfonctionnements sont imputables en partie au politique et à l’Etat, en tant que service public (insuffisance de moyens, de contrôle et des lois), tantôt l’Etat et au président de la République, alors que les décisions de justices et le déroulement des procédures de jugement relèvent exclusivement de l’institution judiciaire, qui agit en toute indépendance ? Ces amalgames induisent une certaine confusion dans l’opinion publique et suscitent des réactions disproportionnées.  

« Otez le respect de la justice et la bonne foi : nul gouvernement n’est durable », disait le romain Sénèque symbolisé par une balance, la justice, institution chargée de veiller à l’égalité de tous les citoyens devant la loi, est une institution clé de toute la République démocratique contemporaine. Ses décisions doivent être frappées du quadruple sceau de l’impartialité, de la transparence, de l’équité et de la légalité. 

Par impartialité, entendons que les procureurs, les juges de la République ne doivent d’aucune façon donner à voir qu’ils ont un parti pris pour une institution, une personnalité, un citoyen, un parti, un clan ou une classe professionnelle.

Par transparence, nous visons le fait que le citoyen cultivé de base, au regard de l’appréciation des faits et des textes en vigueur, doit pouvoir constater que les décisions de justice ont été prises en parfaite connaissance de cause à partir des fondements non discutables.

Par équité, toute véritable institution judiciaire doit veiller à ce que les inégalités sociales bénéficient en priorité aux plus vulnérables, en vertu d’un principe de discrimination positive qui s’impose d’autant plus que la quasi-totalité des pays d’Afrique francophone, comme la Côte d’Ivoire, sont encore en proie à l’insupportable pauvreté de la majorité de leurs populations.

Par légalité, nous entendons que le procureur ou le juge ne peut improviser la loi, encore moins l’interprétation de la loi pour servir de facto, le point de vue d’une partie de la société fut-elle la majorité politique au pouvoir. En effet, l’article 141 de la constitution ivoirienne du 08 novembre 2016 est encore plus illustratif. « Le magistrat doit être compétent. Il doit faire preuve d’impartialité, de neutralité et de probité dans l’exercice de ses fonctions. Tout manquement à ses devoirs constitue une faute professionnelle ».

L’article 6 de ladite constitution prévoit que dans un Etat de droit, le libre et égal accès à la justice, à toute personne, est protégé et garanti. Toute personne a droit à un procès équitable et à un jugement rendu dans un délai raisonnablement déterminé par la loi. Autrement dit, il y a égalité stricte entre toutes les personnes, qu’elles soient physiques ou morales, du cireur de chaussures au Président de la République. Dès lors, au regard du fonctionnement contemporain de la justice en Côte d’Ivoire, la justice ivoirienne est-elle impartiale, transparente, équitable et légale ? Si non, qu’est-ce qui explique le fonctionnement de l’outil judiciaire sous l’actuel régime du Rhdp ?

 

Comment sortir de ce marasme judiciaire par la bonne porte ?

Il y a incontestablement une flagrante défaillante de l’institution judiciaire ces dernières années en Côte d’Ivoire. La chasse visible livrée aux plus vulnérables ne cesse d’alimenter les médias et les réseaux sociaux.  

Dès 2011, et les deux années qui suivi l’entame de son premier mandat présidentiel, prétextant d’une phase de réinstallation et de normalisation de l’institution judiciaire dans le pays, il a transféré le Président Laurent Gbagbo à la Haye et fait arrêter tous les partisans ou autorités qui auraient travaillé sous les ordres de ce dernier.

Le deuxième mandat M. Ouattara, en 2015, a marqué la modification de la constitution en y glissant dans les articles 145 et 146 de cette nouvelle loi fondamentale, des dispositions qui mettraient les carrières judiciaires à la disposition du chef de l’exécutif tout laissant encore à ce dernier la mainmise sur l’appréciation ultime du degré d’indépendance de la justice. En effet, l’article 145 de de la constitution du 08 Novembre 2016 précise que le conseil supérieur de la magistrature est présidé par une personnalité nommée par le Président de la République. L’article 146 de la même loi mentionne entre autres que le conseil supérieur de la Magistrature examine toute les questions relatives à l’indépendance de la Magistrature et à la déontologie des magistrats.

Ce verrouillage du pouvoir judiciaire par le pouvoir exécutif, au mépris du principe de la séparation des pouvoirs dans cette constitution reste amendable à plusieurs égards.

 

En matière d’absence d’impartialité, on a vu le pouvoir judiciaire de notre pays incarcérer de nombreux citoyens sans jugement. Lorsque M. Guillaume Soro, dans sa campagne de pardon et de réconciliation le 03 Avril 2017, demandait que soient accélérées les procédures judiciaires permettant à l’ensemble des prisonniers constitués depuis la dernière crise postélectorale de 2011 de recouvrer la liberté, y compris par voie d’amnistie ou de grâce, un mur de refus de ceux du régime en place arguant du refus de repentance des refondateurs.

Et ce n’est le 6 Aout 2018 que M. Ouattara décide de libérer près de 800 prisonniers politiques Ivoiriens. Comment la justice Ivoirienne peut se prétendre impartiale alors qu’elle s’est fait complice d’un mensonge, d’un déni de la réalité à propos de la nature et du nombre des détenus politiques qui croupissaient, souvent sans le moindre procès, dans ces entrailles.

 

En ce qui concerne la transparence et la légalité ; la loi du 09 Aout 1993 sur les partis politiques ne prévoit aucunement la possibilité, pour un citoyen ivoirien, d’appartenir à deux partis politiques en même temps. Or, à la barbe de la justice ivoirienne, un nouveau parti politique fut créé (à ne pas confondre avec des groupements de partis politiques autorisé par la même loi). Ce parti politique dit unifié du Rhdp, est supposé avoir réuni et fondu en son sein, tous les partis signataires de son accord de création acté le 16 Juillet 2018 à Abidjan. Comment comprendre dès lors que des membres de ce nouveau parti politique unifié continuent par ailleurs de se revendiquer, qui de l’Udpci, qui du PIT et certains encore du Pdci-Rda, tout en se reconnaissant membre du Rhdp dit unifié ?

Ces manœuvres, clairement illégales, entretenant le flou entre les notions de Parti et de Groupement Politique, ne sont-elles pas d’autant plus nuisibles à la transparence de la justice ivoirienne, qu’on a vu cette institution se spécialiser ces dernières années dans la traque exclusive des citoyens, cadres ou partis contestant l’hégémonie du régime actuel ? Ne sont-ce pas notamment les soroïstes, les cadres du Pdci-Rda, les cadres et militants du Fpi, les leaders de la société civile qui paient aujourd’hui, par toutes les ruses du harcèlement judiciaire orienté, leur liberté envers un régime qui viole les libertés fondamentales des ivoiriens ?

 

Où est la justice ivoirienne quand se sont multipliées les preuves de l’immixtion flagrante des autorités de l’exécutif dans le processus électoral ?

Où est la justice ivoirienne quand une Cei illégale s’arroge le pouvoir de d’organiser des élections alors qu’elle a été sanctionnée, à plusieurs reprises, par l’arbitrage international de la Cour africaine des Droits de l’Homme ?

Où est la justice ivoirienne quand M. Ouattara, en violation flagrante de la constitution ivoirienne, a décidé de briguer un troisième mandat le 06 Aout 2020 ? Troisième mandat non constitutionnelle qui a endeuillé les ivoiriens ?

 

A propos de l’équité, c’est la vocation pour la justice à protéger les plus faibles.

Comment comprendre que la justice n’ait pas encore punis ceux qui, ont laissé le 21 mai 2014, Mlle Madjara Ouattara s’immoler par le feu au Plateau, alors qu’elle réclamait juste le payement de ses dettes dues par L’Etat. Où est l’équité pour les victimes de tous les candidats du Rdhp au pouvoir qui ont publiquement menacé, corrompu, brutalisé, truqués les scrutins non seulement locaux du 13 octobre 2018 et le scrutin présidentiel du 31 octobre 2020 ?

 

Où est l’équité en Côte d’Ivoire quand le procureur de la République d’Abidjan est plus prompt à se saisir d’un citoyen pour un mot à travers Facebook, ou des artistes qui dénoncent, sans armes, les imperfections dans le fonctionnement de l’appareil judiciaire ivoirien, alors que des hommes politiques connus de tous, réputés avoir prononcés des paroles infiniment graves, n’ont connu la moindre garde à vue jusqu’à présent ?

Où est l’équité quand des scandales de gouvernance, dénoncés par l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics, ne sont suivis d’aucune sanction exemplaire frappant ceux de leurs auteurs qui font partie des puissants du jour, notamment en matière de conflits d’intérêt en centaines de milliards et qu’a dénoncé courageusement le président de cette institution, Coulibaly Non Karma, avant de quitter ses fonctions en juillet 2018.

 

Pour terminer, au centre de ces critiques, se loge une préoccupation de la société civile, dans laquelle apparait constamment le visage de l’Exécutif. En effet, les acteurs de la société civile constatent une intervention de l’Etat, notamment celle du chef de l’Etat dans les affaires relevant de la justice impliquant de hauts responsables de la vie politique, au mépris de la séparation des pouvoirs alors qu’il est le garant constitutionnel de l’indépendance de la Magistrature.

Nous proposons un investissement massif dans la construction additionnelle de plusieurs tribunaux de grandes instances, des tribunaux de proximité dans tout le pays ; au regard de l’alinéa 3 de l’article 6 de la constitution ivoirienne de 2016. « L’Etat favorise le développement d’une justice de proximité ». Autrement dit, à côté du manque persistant d’un cadre de travail suffisamment modernisé dans toutes les juridictions, la principale raison de l’inefficacité de cette justice en Côte d’Ivoire réside, pour nous, dans la collusion incessante entre l’Exécutif et le Judiciaire.

L’urgence pour nous, en tant que société civile, c’est de mobiliser des citoyens de tous bords pour le respect de toutes les libertés fondamentales garanties par notre constitution. Nous, société civile, nous proposons le toilettage de la loi fondamentale pour rééquilibrer les trois pouvoirs de la République dans une perspective de renforcement de l’Etat de droit.

La Cici aspire à une justice impartiale gage de la stabilité et de paix dans notre pays.

La Cici appelle à une mobilisation très prochaine de la population pour réclamer l’indépendance de notre justice et la protection de tous sans excès».

                              Fait à Abidjan, le mardi 08 décembre 2020 

 Pour la Coalition des indignés de Côte d’Ivoire,  

le Coordonnateur national 

 Samba David

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