Côte d’Ivoire (Présidentielle 2020) : l’Unité spéciale d’enquête livre ses résultats

« 233 personnes interpellées et 40 recherchées » (Le Procureur Richard Adou)

Côte d’Ivoire (Présidentielle 2020) : l’Unité spéciale d’enquête livre ses résultats
Richard Christophe Adou, procureur de la République de Côte d’Ivoire.

Richard Christophe Adou, procureur de la République de Côte d’Ivoire, a animé une conférence de presse, ce lundi 27 décembre 2021, à Abidjan, capitale économique, pour livrer les résultats de l’Unité spéciale d’enquête-dont il est le directeur-sur les évènements chauds de la période présidentielle d’octobre 2020. BSC-NEWS vous propose ci-après, un large extrait de sa déclaration liminaire.

 

« À la suite de la crise postélectorale de 2010, qui a occasionné 3.000 morts, l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 s’est malheureusement déroulée dans un contexte extrêmement tendu. En effet, la coalition des partis de l’opposition dirigée par le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci), Monsieur Henri Konan Bédié, a ardemment appelé la population ivoirienne « à se mobiliser pour des manifestations sur l’ensemble du territoire » ainsi qu’à la désobéissance civile et au boycott actif. Cette désobéissance civile et ce boycott actif visaient, selon leurs initiateurs, à empêcher par tous moyens, la tenue du processus électoral.

 

Après ces différents mots d’ordre à l’endroit de la population, l’opposition annonçait la mise en place d’un organe de transition dénommé Conseil National de Transition (Cnt) devant se substituer aux institutions républicaines légalement établies. Consécutivement à ces différents appels, des actes portant atteinte aux personnes et aux biens tant publics que privés, constitutifs d’infractions graves à la loi pénale, ont été commis dans plusieurs localités du pays. Ces violences électorales ont fait officiellement 85 morts et près de 500 blessés dans le pays, entre août et novembre 2020.

 

Pour investiguer sur ces faits, apporter une réponse judiciaire appropriée aux infractions graves commises et faire suite aux différentes recommandations des organisations internationales des droits de l’homme, Monsieur le Président de la République a, par décret n°2020-945 du 25 novembre 2020, créé une Unité Spéciale d’Enquête sur les évènements survenus à l’occasion de l’élection présidentielle du 31 octobre 2020. Les investigations menées par les agents enquêteurs de cette unité et qui se sont déroulées sur six (06) mois sous la direction du Procureur de la République d’Abidjan, ont permis de comprendre les principaux incidents graves survenus dans plusieurs villes (Daoukro, Divo, Bonoua, Abidjan, Yamoussoukro...), et de situer les responsabilités de diverses personnes, soit en tant que commanditaires, soit en tant qu’auteurs matériels des faits.

 

Des magistrats instructeurs ont été saisis. Les actes de violence ont été commis particulièrement dans le District autonome d’Abidjan et dans les huit (08) régions suivantes :

- La région du Sud-Comoé (Bonoua) ;

- La région des Grands Ponts (Dabou) ;

- La région du Lôh-Djiboua(Divo) ;

- La région de l’Iffou (Daoukro) ;

- La région du Moronou (Bongouanou, M’batto) ;

- La région du Bélier (Toumodi) ;

- La Région des lacs (Yamoussoukro) ;

- La région de l’Indénié-Djuablin (Abengourou, Niablé).

(…) Les investigations de l’Unité Spéciale d’Enquête ont mis en évidence que la manipulation des sentiments d’appartenance ethnique, politique et religieuse ainsi que l’impunité demeurent un ressort important de l’escalade de la violence, y compris politique.

 

L’Unité Spéciale d’Enquête a, par ailleurs, constaté que la jeunesse pendant la période électorale, a été instrumentalisée comme bras exécuteur de la violence politique par les leaders politiques. Cette jeunesse galvanisée par des discours d’appel à la haine, a été armée et financée pour faire échec à la tenue de l’élection présidentielle et surtout accentuer le climat de terreur. Cela s’est traduit par l’érection de barrages, la destruction du matériel électoral, l’attaque des véhicules (de transport public des personnes, administratifs, de particuliers), et la commission parfois de meurtres d’une extrême violence comme à Daoukro, à Dabou et à Abli.

 

Les trois Juges d’Instruction en charge de toutes ces procédures pourront, à la suite de l’information judiciaire, situer le degré de responsabilité des différentes personnes interpellées, y compris les financiers de ces actes de violence. Ainsi, à ce jour, deux cent trente-trois (233) personnes impliquées à divers degrés dans la commission de ces infractions graves ont été interpellées dans plusieurs localités du pays et quarante (40) autres personnes ayant été formellement identifiées sont activement recherchées pour avoir participé à ces évènements.

 

La grande majorité de ces personnes a bénéficié d’une mise en liberté provisoire ou a été placée sous contrôle judiciaire. Il y a lieu de préciser que seules onze (11) personnes sont toujours détenues préventivement. Il s’agit notamment des personnes présumées avoir commis des crimes crapuleux comme la décapitation du jeune N’Guessan Koffi Toussaint à Daoukro, le meurtre de l’adjudant Sanogo Seydou, atteint par balle à la tête, ainsi que des auteurs présumés des meurtres perpétrés à Dabou.

 

Il convient enfin de dire que toutes les personnes dont la culpabilité pourrait être retenue au cours des procès à venir, subiront toutes, la rigueur de la loi pénale, l’objectif étant de lutter contre l’impunité des auteurs des infractions graves commises surtout à chaque période électorale ».

 

Fait à Abidjan, le 27 décembre 2021

 Le directeur de l’Unité spéciale d’enquête

Adou Richard Christophe

 Magistrat Hors Hiérarchie