Burkina Faso (Communiqué ASCE-LC) : « Grande réserve » et « crainte » de Me A. Ouédraogo

 « Si tout le monde est mouillé, alors personne n’est sale ».

Burkina Faso (Communiqué ASCE-LC) : « Grande réserve » et « crainte » de Me A. Ouédraogo
Me Arnaud Ouédraogo, avocat. ((ph : dr)

Me Arnaud Ouédraogo, avocat, « émet la plus grande réserve à l’égard du communiqué de l’ASCE-LC, Autorité supérieure de contrôle d’État et de lutte contre la corruption ». Ci-après, sa réaction.

Je voudrais humblement me permettre d’émettre la plus grande réserve à l’égard de ce communiqué de l’Autorité Supérieure de Contrôle d’État et de Lutte contre la Corruption (ASCE-LC).

Je crains que la méthode de délation généralisée qu’inaugure l’ASCE-LC ne soit contreproductive et ne la conduise finalement dans l’impasse.

La délation généralisée nourrira plus le populisme que l’efficacité et l’efficience. Elle contribuera encore à diluer les responsabilités : « Si tout le monde est mouillé, alors personne n’est sale ».

Pourtant, il suffisait de tourner la chose à l’envers pour voir les opportunités stratégiques que la lutte contre la corruption peut déceler en cette matière, à commencer par le développement des outils de la transparence : l’informatisation du cadastre foncier et du cadastre minier.

Le développement des outils de la transparence dans les différents segments de la vie publique mobilisera mieux les intelligences et permettra de créer une dynamique d’entraînement plus durable que les actions d’éclat et facilitera d’autant la détection des failles.

Il ne faut surtout pas qu’une lutte contre la corruption mal organisée ne vienne diviser une société qui cherche encore ses plâtres. On n’oubliera pas de sitôt le drame que la délation a causé dans l’histoire récente du pays.

Au cours d’une formation que j’avais eu l’honneur de dispenser aux Contrôleurs d’Etat en 2018, je les avais avertis contre le danger du populisme et mis en garde contre le danger pour l’ASCE-LC de s’ériger en superflic en méconnaissant la véritable portée de ses attributions et de ses moyens qui doivent être mis en cohérence avec l’action judiciaire.

Mais je suis payé pour savoir que l’histoire se répète sans fin au Burkina Faso. Notre principal défaut est de ne savoir pas tirer les leçons de passer. Personne n’écoute personne. Au point où on se demande si ça sert encore à quelque chose de jouer son rôle intellectuel de veille et d’alerte.

J’espère que, pour une fois, je serai entendu. Je suis en tout cas le premier à souhaiter à l’ASCE-LC beaucoup de discernement et plein succès ».

Me Arnaud OUÉDRAOGO

Avocat